Ancien Secrétaire général adjoint de l’ONU sous Ban Ki-moon, Julian HARSTON est le grand spécialiste reconnu du Sahara occidental, où il a dirigé la MINURSO. Il analyse ici les retombées positives de la visite d’État d’Emmanuel Macron au Royaume du Maroc et réaffirme haut et fort la souveraineté marocaine sur ces provinces du Sud. Une grande première pour un dignitaire des Nations Unies dont le roi Mohammed VI est toujours à l’écoute. Interview exclusive.
d’ AfricaPresse.Paris (APP)
@africa_presse que nous republions.
APP – La visite d’État du Président Emmanuel Macron au Maroc, du 28 au 30 octobre, a enthousiasmé tous les Marocains. C’est dire qu’une page se tourne ?
Julian HARSTON – Une page se tourne à l’évidence car le Président français Emmanuel Macron a dit ici très clairement que le seul avenir pour le Sahara occidental, c’est l’autonomie recommandée par Sa Majesté Mohammed VI. Et il a même annoncé que la France allait ouvrir un consulat là-bas, à Laâyaoune ou Dakhla. Cette reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, c’est véritablement un moment historique. À la grande joie de tous les Marocains.
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APP – La France a donc choisi son camp, mais son exemple peut-il être suivi par d’autres ?
Julian HARSTON – Je l’espère, même si cela lui fera des difficultés avec les Algériens, difficultés qui ont déjà commencé car l’Algérie refuse d’admettre qu’elle est partie prenante dans ce conflit et s’entête à bloquer toute solution pacifique.
C’est surtout la fin du « en même temps » de Macron qui voulait naïvement être bien avec tout le monde, avec l’Algérie comme avec le Maroc. Mais, dans la vie, il faut savoir choisir en fonction de ses intérêts et des intérêts supérieurs de la Nation que l’on représente. Cette reconnaissance internationale est une avancée majeure et symboliquement très importante.
J’espère aussi que cet exemple sera suivi par le Royaume Uni d’ici deux ans et peut-être même dès l’année prochaine. Le nouveau gouvernement britannique est confronté à bien des problèmes de politique intérieure pour s’occuper en priorité de ses relations avec les pays du Maghreb qui, contrairement à la France, n’ont jamais été dans sa zone d’influence. Mais je suis intimement convaincu que cela va arriver et se faire.
APP – Quels seront les fruits concrets de cette réconciliation franco-marocaine ?
Julian HARSTON – Ce fut une visite impressionnante et très importante aussi sur le plan économique, car le Président français était accompagné d’une cinquantaine de chefs d’entreprise et d’investisseurs voulant faire des affaires ici dans de nombreux secteurs comme le pétrole ou l’automobile. Il a impliqué la France dans l’avenir économique du Royaume de manière plus importante que jamais.
À l’issue de cette visite d’État, ces opérateurs économiques étaient tous contents de leur accueil au Maroc et vraiment optimistes car ce retour de la France dans le développement économique du Royaume leur semble capital. La brouille franco-marocaine n’avait que trop duré.
La confiance est retrouvée et elle est essentielle pour l’amélioration du climat des affaires avec non seulement le France, mais l’ensemble de l’Europe. Car je crois que l’Afrique est aujourd’hui plus importante pour l’Europe que l’Europe ne l’est pour l’Afrique.
APP – Dans son discours du 6 novembre dernier, le Roi Mohammed VI a souligné que « le temps est venu pour les Nations Unies de prendre leurs responsabilités » sur ce dossier sensible. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Julian HARSTON – À l’occasion du 49e anniversaire de la Marche Verte, le souverain chérifien a en effet souligné – je cite – « l’attachement de Nos fils du Sahara à leur marocanité et aux symboles de la Nation en vertu des liens séculaires qui unissent la population du Sahara et les Rois du Maroc ». Il s’est évertué également à rappeler « la dynamique de renouveau et de développement, de la sécurité et de la stabilité dont jouit le Sahara marocain ». Et il s’est réjoui enfin de « la reconnaissance accrue de la marocanité du Sahara et du large soutien à la proposition d’autonomie ».
Tout est dit : ce discours du Roi sur le Sahara marocain a marqué tous les esprits.
C’est pourquoi les Nations Unies, au service desquelles j’ai consacré une grande partie de ma carrière, se doivent en effet de « prendre leurs responsabilités » et de choisir entre deux paradigmes : « celui qu’incarne le Maroc dans son Sahara réaliste et légitime et celui qui repose sur une vision sclérosée, coupée du monde réel et de ses évolutions », incarné – vous l’avez bien compris – par l’Algérie.
Je crois cependant que les Nations Unies restent encore l’endroit le plus important pour tenter de résoudre les conflits dans le monde.
APP – Pourquoi la souveraineté du Maroc sur les provinces du Sud – régions 11 et 12 du pays – vous paraît-elle légitime et incontestable ?
Julian HARSTON – C’est ancestral et un fait historique : ce sont des Marocains car le Sahara fait partie du Maroc. Ces dernières années, beaucoup de pays ont d’ailleurs reconnu cette souveraineté marocaine sur les provinces du Sud. Ce succès diplomatique du Maroc, surtout en Afrique, est extraordinaire. La souveraineté du Maroc – je le répète – est légitime et incontestable.
Ayant dirigé pendant plusieurs années la MINURSO (Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental), une opération de maintien de la paix dont le mandat vient d’être prorogé d’un an jusqu’au 31 octobre 2025, je sais parfaitement de quoi je parle et c’est pour cela que je prends aujourd’hui la parole. Car nous vivons un moment historique.
APP – Le Maroc, qui a rejoint l’Union africaine en 2017, assoit et renforce ainsi son influence déjà grande sur tout le Continent ?
Julian HARSTON – En faisant délibérément le choix de l’Afrique, où Sa Majesté Mohammed VI a fait de nombreuses visites et tournées, le Maroc est réellement redevenu un pays africain, avec de surcroît une longue façade atlantique, qui intéresse et crée des liens importants avec ses voisins africains. Ce n’est plus seulement une ex-colonie française et un pays uniquement méditerranéen.
Le Royaume a en quelque sorte changé de dimension et d’influence, en devenant un des pays leaders du Continent. Les Marocains, et notamment ceux des provinces du Sud, en pleine expansion économique, en ressentent déjà les dividendes. À Laâyaoune comme à Dakhla, tout a changé en quelques années car le Roi en a fait sa priorité avec des investissements énormes pour l’avenir.
APP – Quels sont les changements les plus importants que vous avez observé ces dernières années en ce qui concerne la diplomatie marocaine ?
Julian HARSTON – C’était autrefois une diplomatie didactique, mais elle a beaucoup changé pour se transformer en une diplomatie très efficace et notamment une diplomatie économique qui paraît de plus en plus active. La vision que l’on a du Maroc a changé, pas seulement en Afrique, mais sur la scène internationale et ce succès est extraordinaire. Cela a fait suite à un discours du Roi qui, en 2018, a fixé un nouveau cap à la diplomatie marocaine.
Avec le souverain, nous étions vraiment du même avis. Je suis donc aujourd’hui très optimiste sur le plan diplomatique et économique pour ce beau pays. Renforcés par les événements, mes amis marocains ont aujourd’hui confiance en eux. J’ai une grande espérance pour le Royaume du Maroc et le développement du Sahara, même si je reste toujours un « ami critique » osant dire franchement les choses aux autorités marocaines – même au plus haut niveau – depuis de nombreuses années.
TKF