Digitalisation et Épargne sont deux notions clés qui ont pignon sur rue, en ce moment. À travers cette riche et dense contribution de Serges Kouamelan, l’on peut se faire une nette idée de l’historique de la digitalisation de l’épargne à l’échelle mondiale et son niveau de pratique, en Côte d’Ivoire.
3 avril 1973, une autre époque, Martin Cooper, employé de Motorola sortait en plein New York le premier téléphone mobile.
29 juin 2007, 34 ans plus tard, Steve JOBS commercialisait le premier iPhone.
2012, 207 millions de smartphones vendus dans le Monde.
2014, 1 milliard 200 millions de smartphones vendus dans le Monde. Nous changeons de paradigme.
Quelle banque traditionnelle a intégré cette donnée à son fonctionnement tant intérieur que vis-à-vis des clients ? Quasiment aucune.
55% de la population mondiale dispose d’un smartphone en 2023.
En 2021 495 millions d’africains avaient souscrit aux services d’un opérateur mobile, soit 1 africain sur trois a désormais accès à Internet. C’est plus que le nombre de personne bancarisé qui est de 1 sur 4 ivoiriens.
Quelle banque traditionnelle ayant intégré cette donnée à son fonctionnement tant intérieur que vis-à-vis des clients, a changé de paradigme pour se convertir au numérique, à la digitalisation ? Quasiment aucune.
En Côte d’Ivoire, comme partout en Afrique, l’obtention de prêts auprès des banques et des établissements de microfinance est soumise à diverses conditions comme les garanties, une épargne minimale, etc… toute une série de demandes qui tient plus lieu du « coffre-fort » à protéger que du client à embarquer dans une démarche d’investissement respectant des règles irréfragables.
Ainsi, l’offre est inaccessible pour la grande majorité de la population. Rarement, sauf pour des privilégiés qui ont bénéficié d’instructions, d’éducation, d’accompagnement et de responsabilités professionnelles valorisantes peuvent y arriver.
Sauf que la pauvreté dont nous nous plaignions chaque jour et qui freine le développement du pays, tient en grande partie à cette inaccessibilité.
Mais l’horizon semble s’éclaircir.
En effet, depuis peu, la situation évolue avec la digitalisation de l’épargne. Issue de la numérisation du secteur financier, l’épargne digitale se démarque des formules traditionnelles (DAT, Livret A, etc.) à travers son côté pratique, flexible et personnalisable.
Cette offre aide notamment à mieux maîtriser ses placements et à effectuer différents types de transactions en adaptant les recommandations, indispensables, incontournables à chaque profil.
D’ailleurs, cette forme d’épargne permet d’empêcher l’exclusion financière de certaines populations. L’épargne digitale fait désormais partie des offres pour une banque en ligne. Ce type d’établissement est souvent la filiale d’un groupe bancaire international et hérite de l’expertise financière de ce dernier et lui apporte innovation et créativité qui lui ont manqué pendant des décennies.
Quelques plateformes proposent également ces produits financiers. De récentes initiatives dans les domaines de la micro-épargne, du micro-crédit et de la micro-assurance constituent de nouvelles avancées.
Mais nous en sommes trop encore à quelques adaptations à la marge. Où est la banque de renom qui a embrassé le digital, qui en a fait son support d’activité principal et qui répond tant aux aspirations des populations qu’aux changements technologiques qui s’opèrent à une vitesse en accélération permanente ?
Or, cela a été démontré par tous les symposiums, conférences, manifestations, réunions et j’en passe que cela entrainera obligatoirement l’inclusion financière des populations les plus fragiles, en leur permettant d’accéder à la stabilité et à la sécurité financière.
C’est pourquoi, la législation s’adapte et le cadre règlementaire tend à s’assouplir. Des réformes importantes dans ce domaine ont été adoptées dans quatre pays en 2014 : la Colombie, l’Inde, le Kenya et le Libéria. Désormais, plus de la moitié (47pays sur 89 à fin 2014) des pays dotés de services financiers mobiles ont une législation qui permet aux acteurs non bancaires de fournir des services financiers.
Bien sûr, nous ne devrons pas oublier d’autres problématiques qui vont poindre avec ce nouveau type de fonctionnement.
La facilité d’utilisation, notamment via un mobile, rend difficile la traçabilité des transferts et les faibles niveaux de contraintes règlementaires de certains pays sont également pointés du doigt.
Les acteurs du secteur doivent d’un côté s’adapter aux spécificités de la population cible pour assurer une pénétration optimale de l’épargne digitale sur le marché. Et de l’autre côté se mobiliser vis-à-vis des Autorités pour obtenir les cadres règlementaires idoines.
Allez, il est temps pour l’Afrique, pour la Sous-Région, pour la Côte d’Ivoire, en tant qu’exemple, de s’embarquer avec lucidité, mais sans concession dans ce nouveau paradigme et de devenir, rapidement, l’exemple à suivre.
SERGE KOUAMELAN
Directeur Exécutif APBEF-CI