Au PDCI-RDA et dans la Région du Bélier, on tue Mozart ; dans le pays Baoulé (dont la Région du Bélier fait partie) qui regorge de militants et de cadres PDCI-RDA, les vieux sages ont pris le pli de dire :
« On peut haïr le brave, mais on ne le tue pas ». Et pourtant, dans la Bélier, région de naissance du Sage Félix Houphouët-Boigny, on a tué politiquement, du moins temporairement, Jeannot Ahoussou Kouadio, en refusant de lui donner, aux élections sénatoriales du 16 septembre 2023, une victoire qui lui était, en principe, destinée puisque son parti, le RHDP, au nom duquel il se présentait, avait la majorité du collège électoral.
Les militants de son propre parti ont été ses bourreaux, sans doute menés par des mains obscures internes du RHDP.
Il convient de relever également la pure méchanceté de certains de ses propres frères Baoulé, notamment Ibrahim Diallo et Brice Kouassi, ce dernier ayant pourtant et très souvent bénéficié de la sollicitude du Président Ahoussou aussi bien durant son parcours scolaire et universitaire que lors de ses débuts en politique (pour son élection en tant que Maire de Didiévi) et même lors son entrée au Gouvernement en qualité de Secrétaire d’État. Des leaders politiques du Bélier et leurs acolytes et grands électeurs de Didiévi et de Djekanou ont choisi de faire perdre le poste de président du Sénat (quatrième personnage de l’État) à leur région et au pays Baoulé en punissant gratuitement Jeannot Ahoussou Kouadio. Le peuple ivoirien, les Baoulé et l’histoire les jugeront !
Mais, Jeannot Ahoussou-Kouadio pourrait-il ressusciter un jour ? Je n’en sais rien. Je note, cependant, qu’il est chrétien catholique pratiquant et a doté sa ville natale, Raviart, d’une église et d’un sanctuaire marial à ses propres frais ; je note aussi que la politique est faite de hauts et de bas, de victoires et de défaites.
Au PDCI-RDA, Jeannot Ahoussou-Kouadio est la cible privilégiée de certains hauts cadres réputés radicaux.
Or, ces hauts cadres qui se disent « militants de première heure » que l‘on qualifie au PDCI-RDA, de vertueux et courageux », ont, à plusieurs reprises, abandonné le combat et fui le président Bédié (paix à son âme) : ils ont abandonné, une première fois, le Président Bédié après le coup d’État du Général « zozo » Robert Guéi en 1999. Ils l’ont trahi, une seconde fois, à la convention du PDCI-RDA à Yamoussoukro en 2000 en choisissant à sa place, Emile Constant Bombet comme candidat du PDCI-RDA à l’élection présidentielle de 2000 (Allah Kouadio Rémi était leur chef de fil à cette occasion).
Ces mêmes pseudos grands militants ont encore abandonné le Président Bédié, une troisième fois, quand sa résidence a été encerclée par les gendarmes après sa déclaration créant le Conseil National de Transition (CNT), au plus fort de la crise post-électorale de 2020. Leurs enfant et petits-enfants se sont terrés chez eux, sans lui porter le moindre secours.
En réalité, tous ceux-là étaient militants fidèles et grands bédiéistes tant que le tolérant Président Bédié avait des postes à distribuer quand il était Président de la République (1993 – 1999) ou dans le cadre de la coalition politique RHDP (2005 à 2018). Les vrais traitres, c’est bien ceux-là et non Jeannot Ahoussou-Kouadio qui a quitté le PDCI-RDA en 2019, après avoir rempli correctement ses devoirs et rôles de militant, de cadre et de responsable politique. Il s’est comporté loyalement envers le président Bédié avec qui il continuait d’échanger régulièrement qu’à son décès qui a profondément attristé toute la Côte d’Ivoire reconnaissante à son chef d’antan.
Jeannot Ahoussou Kouadio a été avocat du PDCI-RDA sans honoraires (il payait lui-même les frais de dossiers) pendant de nombreuses années (sous les présidents Houphouët et Bédié) sans être grand dignitaire ni du PDCI-RDA ni du pouvoir politique en place. Il n’était que militant et président de comité de base PDCI-RDA, puis troisième adjoint au Maire d’Attécoubé, au moment du coup d’État de 1999.
C’est alors que Jeannot Ahoussou Kouadio va se battre politiquement, et se constituer volontiers, avocat du Président Bédié, d’abord face aux soldats putschistes du Général Robert Guéi, puis face aux escadrons de la mort du régime du Président Laurent Gbagbo (de 2000 à 2010) qui ont tenté de l’assassiner à trois reprises à domicile. Mais, à chaque fois, des gendarmes républicains ont réussi à le sauver de justesse.
Après le déclenchement de la rébellion qui a tué froidement des gendarmes, des danseuses « d’Adjanou », des civils et détruit Bouaké (très majoritairement PDCI-RDA), Jeannot Ahoussou-Kouadio a créé l’Association des Élus et Cadres du Grand Centre (d’obédience PDCI-RDA). Cette association va jouer un grand rôle auprès des populations du Centre, martyrisées, piétinées, dépossédées parfois de leurs maisons et autres biens par les rebelles dont le chef était Soro Guillaume avec qui il fallait tout négocier localement.
Cette association a aussi et de tout temps défendu les populations du Centre installées à l’Ouest de la Côte d’Ivoire face aux nombreuses tentatives de dépossession de leurs plantations de café et de cacao et autres biens par des militants du FPI de l’époque qui les considéraient comme des étrangers sur la terre de leurs ancêtres.
Ce régime les qualifiait même de diaspora à l’intérieur du même pays. Est-ce par haine gratuite ou par l’ignorance ?
Pendant son parcours politique, Jeannot Ahoussou-Kouadio a été successivement Ministre de l’Industrie, Ministre de la Justice, Premier Ministre, Ministre d’État, avant d’être élu Président du Sénat en 2018.
À chacun de ces postes, il a mené le combat politique pour le PDCI-RDA et a été loyal vis-vis du Président Henri Konan Bédié. Il a aidé le PDCI-RDA et la coalition RHDP, dans la limite de ses possibilités techniques, professionnelles et politiques. Au poste de Premier Ministre, il a rénové les vieux bâtiments, construit de nouveaux bâtiments, bitumé la cour intérieure et le parking du siège du PDCI-RDA de Cocody. Il l’a équipé en matériel moderne de travail et de communication.
Tout cet engagement pour les siens lui a paradoxalement valu des inimitiés voire de la haine chez certains leaders PDCI-RDA qui ont vite fait de l’accuser de vouloir faire main basse sur ce parti. C’est d’ailleurs la raison fondamentale de son départ précipité de la Primature.
De plus, certains dignitaires du PDCI-RDA avaient préparé, en 2018, dans l’ombre, la candidature d’un autre Sénateur PDCI-RDA pour le poste de Président du Sénat contre celle de Jeannot Ahoussou-Kouadio, candidat officiel de la coalition RHDP de l’époque. Cette autre tentative d’éviction de Jeannot Ahoussou-Kouadio n’a pas prospéré face à la détermination du Président Ouattara à faire du natif de Raviart le premier Président de la seconde chambre du parlement ivoirien.
Quand la rupture entre le RHDP et le PDCI-RDA intervient, en 2018, Jeannot Ahoussou-Kouadio choisit de rejoindre le RHDP, parti unifié le 02 juin 2019, pour plusieurs raisons ; dans son entendement :
– le PDCI-RDA ne devrait pas renoncer à sa propre signature puisqu’il a contribué à la création de ce nouveau parti (RHDP unifié) en toute connaissance de cause ;
– le PDCI-RDA perdrait plus qu’il ne gagnerait en sortant du parti RHDP unifié ;
– les Houphouëtistes qui se réclament de l’héritage politique du Président Houphouët devraient trouver des compromis au sein de leur nouveau parti pour s’y maintenir et pouvoir assurer leur hégémonie politique dans le pays.
Jeannot Ahoussou-Kouadio a rejoint certes le RHDP parti unifié, mais, il n’a jamais cessé de travailler au rapprochement entre le RHDP et le PDCI-RDA. Dans les moments difficiles, il a toujours contribué à la résolution des problèmes du PDCI-RDA (libération de feu Jacques Mangoua et des militants PDCI-RDA emprisonnés à la suite de la crise électorale de 2020 etc.).
À plusieurs occasions, soit par lui-même, soit par personnes interposées, il a tenté vainement de convaincre le président Bédié et le PDCI-RDA de saisir la perche que leur tendait le Président Ouattara pour un rapprochement entre les deux partis, à défaut d’une intégration dans le RHDP. Sauf que les radicaux idéalistes et démagogues du PDCI-RDA, spécialistes de la politique de salon, ont toujours poussé leur parti à rejeter les offres du Président du RHDP.
Après son refus de réintégrer le RHDP, le PDCI-RDA a finalement décidé de s’allier au PPA-CI. Pour sa part, Jeannot Ahoussou-Kouadio a toujours été totalement opposé à ce rapprochement avec le parti de Laurent Gbagbo, adversaire irrévérencieux qui a combattu, insulté publiquement et amené des enfants à traiter le grand et vénérable Houphouët-Boigny de « voleur » ;
il n’a jamais accepté, le comportement antidémocratique de Laurent Gbagbo, ce soi-disant démocrate et combattant de la liberté, qui a soutenu publiquement le coup d’État contre le Président Bédié en 1999 et manœuvré pour faire rejeter sa candidature et celle d’Alassane Ouattara à l’élection présidentielle de 2000.
Par ailleurs, Jeannot Ahoussou Kouadio pensait qu’il valait mieux pour le PDCI-RDA de s’allier au RHDP, un parti fort, de même philosophie politique, de surcroit au pouvoir qu’au PPA-CI, parti de gauche qui ne représente presque rien sur l’échiquier politique (cf. les résultats des récentes élections sénatoriales et municipales).
En soldat éclaireur, Jeannot Ahoussou Kouadio avait attiré, déjà en 2012 (cf. sa déclaration dans le Nouveau Réveil du 3 janvier 2012), l’attention des autres leaders du PDCI-RDA sur l’effritement progressif de leur parti dans le paysage politique. Cette prédiction objective et honnête (puisqu’il était encore militant du PDCI-RDA) lui avait valu des attaques, des coups bas et des injures. Mais, le temps et les faits politiques lui ont, totalement et finalement, donné raison :
– le schisme entre le RHDP et le PDCI-RDA a conduit à la crise politique pendant les campagnes et l’élection présidentielle de 2020, avec le bilan officiel lourd e 87 morts ;
– le Président Bédié (paix à son âme) a, malheureusement, trouvé la mort sans que lui et le Président Ouattara (le grand-frère et le petit-frère de la famille politique du Président Houphouët) n’aient pu se réconcilier. Chez les Baoulés, c’est un « Sipê » devenu pratiquement indélébile qu’il va falloir pourtant régler pour trouver la Paix définitive dans ce pays ;
-les résultats des élections locales et sénatoriales, de ce mois de septembre, ont plus que confirmer les inquiétudes de Jeannot Ahoussou Kouadio sur l’inéluctable descente aux enfers du PDCI-RDA.
Les élections législatives à venir pourraient être plus catastrophiques pour le PDCI-RDA ! Pardon, que ses militants et cadres radicaux ne me haïssent pas (à l’exemple de Jeannot Ahoussou Kouadio) pour cette prédiction qui semble pourtant objective.
Tout compte fait, ce n’est pas Jeannot Ahoussou-Kouadio, mais ce sont bel et bien les radicaux du PDCI-RDA qui ont contribué au rabougrissement de leur parti, en surestimant son poids politique ; ce sont eux, et non Jeannot Ahoussou-Kouadio, qui ont trompé le vénérable et tolérant Président Bédié, qui l’ont emmené à ne pas accepter de réconciliation avec le Président Ouattara et le RHDP, qui l’ont conduit à entreprendre le boycott actif en 2020, pour finalement l’abandonner quand les gendarmes ont tenté de l’arrêter en sa résidence.
Le mal, et la mort programmée, peut-être, du PDCI-RDA, ce sont eux. Eux qui n’ont jamais voulu écouter les vieux sages du pays Akan qui disent : « Il y a un temps pour faire palabre, un temps pour se réconcilier » ; Eux qui se disent héritiers du Président Houphouët-Boigny, sans prendre en compte le pardon dont il fut l’apôtre. Eux qui ont oublié, peut-être délibérément, l’un de ses enseignements fondamentaux qui dit que « la politique, c’est la saine appréciation des réalités du moment ».
Molière DJELHI YAHOT
Docteur en Sciences Économiques