Disons-le sans faux-fuyant. C’est faire deux poids deux mesures. La construction de logements pour les demandeurs d’asile burkinabè au Nord est en contradiction avec l’opération de déguisement et de libération des emprises des travaux infrastructurels ou encore réorganisation urbaine dans le Sud du pays notamment
La Côte d’Ivoire est loin d’être le seul pays et ne sera certainement pas le dernier à accueillir des réfugiés ou des demandeurs d’asile en provenance de ses voisins. Selon le HCR (Haut-commissariat aux réfugiés), le Ghana avait sur son sol au début du mois de septembre 2021, des réfugiés de plus de 37 pays parmi lesquels la Côte d’Ivoire, le Liberia, le Togo, la Sierra Leone, le Tchad, la RDC, l’Érythrée, le Rwanda, la Somalie, la République centrafricaine, le Soudan, la Syrie, pour ne citer que ceux-là en raison de leur plus gros contingent de réfugiés.
À la fin du mois de juin 2021, le Ghana accueillait 14.273 réfugiés et demandeurs d’asile. À l’instar du Ghana, plusieurs États africains ont reçu sur leur sol de personnes vulnérables issues d’autres pays du continent. Dans tous ces cas et quelques soit l’époque, ce sont des constructions éphémères qui ont été bâties pour les accueillir. À la différence de la Côte d’Ivoire qui quant à elle, a fait construire, sur une superficie de 10 hectares à 14 km de Bouna sur la route de Doropo, 1.077 maisons destinées à loger les réfugiés burkinabè, en mai 2023. De plus, de 450 demandeurs d’asile ont été accueillis en juillet 2023, dans des centres financés par le gouvernement ivoirien situés au nord de la Côte d’Ivoire dans des zones frontalières du Burkina Faso. En suite, 191 demandeurs d’asile burkinabè ont été relocalisés sur deux sites différents au nord-est du pays (régions du Tchologo et du Bounkani). Près de 1.100 maisons de 26 m² chacune, composées d’un salon et d’une chambre, ont été construites pour accueillir des familles ou des groupes de six à sept personnes. Ces centres sont protégés par des clôtures barbelées et par des agents de sécurité. Toutes ces structures sont financées à 90% par la Côte d’Ivoire, une démarche saluée par le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Selon l’agence des Nations Unies, cela est ‘’une première’’ sur le continent. Alors qu’ailleurs dans le pays, de nombreuses familles sont jetés à la rue.
Des centaines de familles à la rue
Quel contraste ? Alors que des certains d’ivoiriens sont jetés à la rue, ces réfugiés sont nourris et choyés aux frais du contribuable. Alors qu’ils sont censés rentrer chez dans leur pays à la fin de la crise, la raison de leur présence en Côte d’Ivoire, ceux-ci sont même mieux logés que les nationaux. Pour déguerpir un site pour des raisons sécuritaires ou la libération des emprises de travaux infrastructurels, plusieurs centaines de familles ivoiriennes ont été jetées à la rue. Certes, des mesures ont été prises en vue de soulager un temps peu ces populations, mais force est de constater que celles-ci laissent à désirer. Le gouvernement sur instruction du Président de la République, a octroyé 250.000 F CFA, soit l’équivalent de la caution de leur loyer.
Aussi, certaines ont-ils été relogées sur de nouveaux sites. Toutefois, l’on est encore loin du compte. En tant qu’organisme de défense des droits de l’homme, Amnesty International est pointilleux sur cette question. De nombreuses familles impactées par cette opération sont encore et toujours à la rue, selon le rapport de cette organisation internationale rendu public en août 2024. « Du 7 au 19 juin 2024, Amnesty International a visité quatre quartiers touchés par les démolitions: Gesco (sites Pays-Bas et Rivière), Banco 1 et ‘’Boribana’’, détruits en janvier et février 2024, et Abattoir, détruit du 1er au 4 juin 2024. Le nombre de personnes et de propriétés touchées par les démolitions n’est pas connu précisément car les autorités n’ont pas procédé à un recensement systématique dans chaque quartier. Selon des données communiquées par les autorités locales, 1.199 familles et 203 propriétaires à Gesco, et 600 familles à Abattoir ont perdu leurs maisons. Le nombre de personnes affectées à ‘’Boribana’’ a été estimé à 28.000 par Colombe Ivoire, une Ong locale. À Banco 1, 5.000 personnes ont été touchées, selon un dignitaire de la chefferie », lit-on dans le rapport d’Amnesty International.
Une crise sociale à retardement ?
Ces populations venues d’ailleurs, éleveurs et agriculteurs pour la plupart, seront dans l’obligation de faire des activités génératrices de revenus, dans quelques années. Et, l’on est sans ignorer que l’une ou l’autre de ces deux activités nécessitent de l’eau et des parcelles de terre soit pour pâturer leurs bêtes ou l’agriculture. Si le déficit en eau n’est à ce jour, pas établi en Côte d’Ivoire, il en demeure pas moins pour la seconde ressource qui se pose avec acuité. Toutes les régions du pays font régulièrement face à des conflits fonciers. Tant bien même que le nord du pays n’y échappe pas. Avec ces éleveurs et agriculteurs en plus, on s’imagine que ces crises se feront de plus en plus intenses et importantes dans quelques années. Sans ignorer que la partie nord de la Côte d’Ivoire, à l’instar de plusieurs pays de la sous-région, est en proie aux conflits entre éleveurs et cultivateurs. Cela, parce que les bêtes des uns ont mangé les cultures des autres.
Aussi, selon le HCR, la condition dans laquelle ces réfugiés ont été installés est ‘’une première’’ en Afrique. Cela fait d’eux bien mieux logés que les populations autochtones. Et ce, aux frais du contribuable ivoirien. Cela créera nécessairement des sentiments de frustrations chez les nationaux. Un sentiment qui va ensuite alimenter des crises sociales. En outre, la nouvelle condition de vie des réfugiés burkinabè créera une volonté de non-retour, une fois que la crise sera terminée. Dans une décennie ou deux, cela posera une nouvelle crise identitaire. Ces populations venues du Burkina Faso vont procréer.
Ouattara Yvette