Le président républicain de la Chambre américaine des représentants, Kevin McCarthy, a été destitué ce mardi 3 octobre, lors d’un vote historique au Congrès, victime de querelles fratricides au sein de son parti.
C’est une première dans l’histoire du Congrès américain : le chef républicain de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, a été évincé mardi 3 octobre de son poste, victime de querelles fratricides au sein de son parti. Après un débat tendu entre conservateurs dans l’hémicycle, 216 élus ont voté pour le destituer, dont huit républicains, contre 210. Aussitôt après ce résultat sans précédent, Kevin McCarthy a été entouré par des membres de son parti, qui lui ont donné l’accolade et lui ont serré la main.
Dans de pareilles circonstances, d’autres auraient tendance à éviter les projecteurs. Pas Kevin McCarthy. C’est même en souriant qu’il s’est présenté devant la presse à l’issue de cette folle journée pour dire sa vérité et sa fierté du travail accompli depuis le mois de janvier, à ce poste si longtemps convoité. Par moment, cet échange inhabituellement long ressemble même à une thérapie, une forme de libération, raconte notre correspondant à Washington Guillaume Naudin.
Mais Kevin McCarthy ne cache pas un certain dépit contre ceux qui l’ont forcé à rendre son marteau de « speaker ». « Il faut 218 voix. Malheureusement, 4% des membres de notre groupe peuvent s’unir avec tous les démocrates et dicter qui peut être le président républicain de cette Chambre. Je ne pense pas que cette règle soit bonne pour l’institution, mais apparemment, je suis le seul. Je pense que je peux continuer à lutter, peut-être d’une autre manière. Je ne me représenterai pas pour être speaker. Je laisserai le groupe choisir quelqu’un d’autre. »
Depuis son élection aux forceps en janvier, son poste ne tenait qu’à un fil, toujours à la merci d’une poignée d’élus trumpistes. Kevin McCarthy accuse leur meneur de semer le chaos pour récolter des fonds auprès de leurs supporters. « On connaît tous Matt Gaetz. Tout ça n’a rien à voir avec ses accusations. Tout ce qu’il cherche, c’est l’attention. Écoutez, on reçoit déjà des emails d’appels aux dons de sa part à ce sujet », a-t-il déclaré, rapporte notre correspondant à Miami, David Thomson.
Turbulences à venir
Le vote ouvre une période de fortes turbulences à la chambre basse, où un remplaçant doit être choisi. Le président Joe Biden a ainsi appelé dans la soirée les élus de la Chambre à élire rapidement un nouveau chef, face aux « défis urgents » auxquels font face les États-Unis. « Comme les défis urgents de notre pays ne peuvent pas attendre, le président espère que la Chambre élira de façon rapide un nouveau chef », a indiqué la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre, dans un communiqué. La sélection a commencé dès ce mardi soir. Plusieurs candidats sont pressentis. Certains républicains envisagent même de présenter la candidature de Donald Trump. L’élection du nouveau speaker est prévue mercredi prochain.
Mais la tâche s’annonce très compliquée. Ce vote est intervenu après qu’un élu de la droite dure américaine, Matt Gaetz, a déposé une motion pour destituer le « speaker », pourtant membre de son parti. Cet élu de Floride reproche principalement à Kevin McCarthy d’avoir négocié avec les élus démocrates un budget provisoire pour financer l’administration fédérale, auquel s’opposaient de nombreux conservateurs. Il accuse aussi le ténor républicain d’avoir conclu un « accord secret » avec le président Joe Biden sur une possible enveloppe pour l’Ukraine.
Or l’aile droite du parti républicain s’oppose vivement au déblocage de fonds supplémentaires pour Kiev, estimant que cet argent devrait plutôt servir à lutter contre la crise migratoire à la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Et qu’importe que l’immense majorité du groupe parlementaire de Kevin McCarthy l’ait publiquement soutenu : les trumpistes disposaient d’un veto de fait à la Chambre compte tenu de la très fine majorité républicaine dans cette institution.
Pas de soutien démocrate
Kevin McCarthy avait semblé un temps penser qu’il sauverait sa tête, espérant que les calculs politiques l’emporteraient et qu’il pourrait soutirer aux démocrates un appui, même très juste, en échange de concessions. « C’est au Parti républicain de mettre fin à la guerre civile des républicains à la Chambre », avait tranché le chef démocrate Hakeem Jeffries dans une lettre après une longue réunion mardi avec son groupe parlementaire. « Les raisons de laisser les républicains gérer leurs propres problèmes sont innombrables. Laissons-les se vautrer dans la fange de leur incompétence et de leur incapacité à gouverner », avait de son côté lancé, implacable, l’élue progressiste Pramila Jayapal.
Signe des désaccords qui déchirent les républicains, les élus conservateurs se sont succédé dans l’hémicycle pour plaider pour et contre Kevin McCarthy. « Nous sommes au bord du précipice. Il ne nous reste que quelques minutes pour revenir à la raison et nous rendre compte du grave danger », avait exhorté avant le vote l’élu républicain Tom McClintock. Si la motion de destitution passe, « la Chambre sera paralysée », « les démocrates se délecteront des dysfonctionnements républicains, et la population sera révulsée, à raison », avait-il lancé.
« Chaos »
Son collègue Tom Cole avait, lui, mis en garde contre le « chaos » dans lequel la Chambre et les républicains seraient plongés si Kevin McCarthy était destitué. « Le chaos, c’est le président McCarthy », a répliqué Matt Gaetz. « Le chaos, c’est quelqu’un à qui on ne peut pas faire confiance ».
Ces luttes intestines étalées au grand jour ont fait réagir l’ex-président républicain Donald Trump. « Pourquoi les républicains passent-ils leur temps à se disputer entre eux, pourquoi ne combattent-ils pas les démocrates de la gauche radicale qui détruisent notre pays ? », a-t-il écrit sur sa plateforme Truth Social.
(Avec AFP)