Accueil INTER Congo : « L’électrification des communautés rurales est une priorité »

Congo : « L’électrification des communautés rurales est une priorité »

Bien éloigné des centres urbains que sont Brazzaville et Pointe-Noire, le président congolais Denis Sassou N’Guesso a inauguré le 22 mai, la première tranche du projet de centrale hybride thermique/solaire d’Impfondo, chef-lieu du département de la Likouala, au nord-est du pays. C’est la partie thermique de la centrale qui a été livrée. Le projet, d’une capacité prévue de 3,4 MW, est réalisé par Produits de Construction de Brazzaville (PROCOB), une filiale de la société belge ABC Contracting et financé par le Trésor public congolais. L’objectif est bien sûr d’améliorer l’accès à l’électricité dans la région. Ministre de l’Énergie et de l’hydraulique, Émile Ouosso a dévoilé au Point Afrique l’évolution de ce projet et, par la même occasion, fait le point sur la situation de l’accès à l’électricité au Congo. Entretien.

Le Point Afrique : Pourquoi avoir choisi de construire une centrale hybride diesel/solaire plutôt qu’une centrale fonctionnant sur une seule énergie ?

Émile Ouosso : Le choix des deux sources de production d’énergie, à savoir le solaire et le thermique, entre dans l’optique de la pérennisation de la fourniture de l’électricité dans la ville d’Impfondo. Nous avons choisi une méthode complémentaire et en phase avec les réalités de la zone. En journée, les panneaux solaires chargent les accumulateurs, c’est-à-dire les batteries qui emmagasinent l’énergie pour alimenter la ville. Le soir, une fois que ces derniers sont déchargés, un groupe démarre automatiquement pour compenser le déficit du système. C’est ainsi que la centrale thermique prend le relais en rechargeant les accumulateurs afin qu’ils soient en mesure d’assurer la continuité de la production toute la soirée jusqu’au lever du soleil.

 

 

Vous inaugurez la première tranche de la centrale ? sa partie thermique ? qui doit produire 2×1700 KW. À ce jour, quelles sont les conditions d’accès à l’électricité dans la région de Likouala ? Quelles seront les bénéficiaires de l’électricité produite par cette centrale, et à travers quel réseau de distribution ?

Cette centrale doit desservir la population d’Impfondo et ses environs à travers le réseau de distribution existant de la société Énergie Électrique du Congo (E²C), qu’il faudra assainir et étendre. La ville d’Impfondo compte actuellement près de 50 000 habitants avec 4 000 polices d’abonnement enregistrés à ce jour, auprès d’E²C.

La mise en service de cette centrale hybride permettra d’accroître significativement le nombre d’abonnés. Pour ce faire, la direction d’E²C a opté pour des branchements promotionnels pour la somme de 31 000 FCFA (47 euros). Ce montant représente les frais d’étude, le matériel et l’avance sur consommation.

Quel est le coût de ce projet, selon les différentes phases ?

Le coût global des travaux s’élève à 18,5 milliards de FCFA (près de 28 millions d’euros) répartis en deux phases. La première, celle de la construction de la centrale thermique de secours et d’appoint d’une puissance installée de 3 400 KW avec des lignes d’évacuation moyenne tension (MT) associées représente un coût de 4,5 milliards de FCFA (6 millions d’euros). Dans un deuxième temps, le coût de la construction de la centrale solaire en module de 6 000 KWC (kilowatt crête) devant servir de centrale principale ainsi que la réhabilitation des réseaux existants de basse et moyenne tension et de l’éclairage public s’élève à 14,8 milliards de FCFA (22 millions d’euros). L’exploitation sera confiée à l’opérateur local (public, NDLR), E²C, en qui nous avons une grande confiance.

Jusqu’à maintenant, la ville d’Impfondo vit alimentée par des générateurs qui fonctionnent au diesel mais subissait des coupures d’électricité par défaut de livraisons régulières de carburant. Comment vont s’organiser les livraisons de diesel pour faire fonctionner la centrale ?

Les livraisons du diesel dépendront en grande partie de la disponibilité du produit auprès des distributeurs et des dotations susceptibles d’être allouées pour faire fonctionner cette centrale. Actuellement, la Société Commune de Logistique (SCLOG) à Impfondo dispose d’une capacité de stockage dans ses citernes de 1,2 million de litres, soit 1 180 m3. Notons que les livraisons qui se font par voie fluviale n’ont jamais atteint ce volume.

Quel est le calendrier de réalisation pour la partie centrale solaire ?

La centrale solaire reste en attente de démarrage. Principalement constitué de fournitures en panneaux solaires et batteries nécessaires au stockage de l’énergie produite pendant la journée ainsi que le déforestage de la plateforme, l’engagement de cette phase exige pour son lancement un acompte substantiel d’au moins 6 milliards FCFA (9 millions d’euros) pour faire face aux commandes. La centrale sera composée de 12 000 panneaux de type cristallin de 550 watts posé sur une structure fixe mais aussi de postes stations, onduleurs, et transformateurs, avec des possibilités d’extension.

Le ministre Émile Ouosso évoque les tenants et aboutissants autour de la centrale hybride thermique et solaire à Impfondo, chef-lieu du département de la Likouala (nord). © DR

Pour la réalisation complète du projet et donc la construction de cette centrale solaire, un délai prévisionnel de 15 mois hors aléas des commandes sera nécessaire. Dans le même temps, il est indispensable et urgent de procéder à la réhabilitation et à la densification du réseau basse tension tout en modernisant celui relatif à l’éclairage public de la ville. La société E²C a fixé à six mois le délai nécessaire pour venir à bout de cette composante du projet qui lui est attribuée moyennant une contrepartie financière de 1 milliard FCFA (1,5 million d’euros) afin que la population puisse bénéficier de la modernisation du système électrique de la ville.

Au Congo-Brazzaville, les populations ne bénéficient pas d’un accès à l’électricité à la hauteur des ressources du pays en pétrole et gaz. Le taux d’accès à l’électricité est estimé à moins de 40 % dans les zones urbaines et moins de 10 % dans les zones rurales. Quelle est la stratégie du gouvernement pour améliorer la situation et quels sont les objectifs affichés ?

Pour répondre à cette question, je vais vous rappeler le Boulevard Énergétique, un projet ambitieux, volontariste et futuriste projeté par de Son Excellence Monsieur Denis Sassou N’Guesso président de la République, en 2003, au moment du lancement des travaux de construction du barrage d’Imboulou. Il visait l’électrification du pays à 90 % d’ici à 2025, en mettant un accent particulier sur l’électrification rurale. En 2003, la couverture énergétique était seulement de 25 % pour tout le pays.

Où en sommes-nous aujourd’hui ?

Désormais, en matière d’infrastructures de production d’énergie électrique, le pays peut compter sur les centrales à gaz de la Côte Matève (300 MW) et de Djeno (50 MW) ainsi que sur des centrales thermiques pour Brazzaville et les chefs-lieux de département. La centrale hydroélectrique d’Imboulou (120 MW) ainsi que la centrale hydroélectrique de Liouesso, pour une capacité de 19 MW ont été mises en service et celle de Moukoukoulou (74 MW) a été réhabilitée.

Avec la mise en service, l’année dernière, de la nouvelle turbine à gaz de Pointe-Noire, d’une capacité de 170 MW, la production énergétique de la Centrale électrique du Congo atteint 484 MW et permet ainsi d’approvisionner plus de 2 millions de ménages. La puissance électrique globale du Congo est désormais 650 MW pour une demande électrique de 600 MW. L’augmentation des capacités de la Centrale électrique du Congo va assurément contribuer à l’amélioration de la fourniture énergétique et à la réduction des délestages dans les deux principales villes du pays.

Les études pour la construction du barrage de Sounda, qui pourra générer jusqu’à 1000 MW, sont lancées. À ce sujet, le pari semble déjà gagné. Le projet avance sous forme de BOT, dans le cadre d’un contrat de concession avec une entreprise chinoise (China Roadwails Twenty) déjà adjudicataire.

Le Congo s’est également lancé, en coopération avec le Cameroun, dans le projet de mise en ?uvre du barrage de Chollet dans le département de la Sangha. Cet ouvrage de production d’électricité pourra générer jusqu’à 600 MW. La production sera partagée entre nos deux pays.

En 2015, les lignes de transport d’électricité à travers notre pays s’étendaient déjà sur 1 500 kilomètres. Pour comprendre le chemin parcouru, il faut se rappeler qu’en 2002, ces lignes n’étaient longues que de 700 kilomètres. Le réseau a donc plus que doublé.

Du chemin reste à parcourir : il faut souligner que le taux d’électrification en milieu rural reste très faible en République du Congo, soit moins de 10 %, selon les sources officielles. Alors qu’en zone urbaine le taux d’électrification est estimé à 47 %. L’électrification des communautés rurales figure parmi nos priorités. En dépit des tensions économiques et financières actuelles, le gouvernement poursuit les efforts d’amélioration du système de production, de transport et de distribution de l’électricité. Le Congo vient de réaliser un projet ambitieux, avec la création d’une unité d’assemblage et de production de panneaux solaires à Oyo dans la Cuvette.

Pour permettre de finaliser la réalisation du Boulevard Énergétique, le gouvernement s’est fixé comme défi de régler en premier lieu la question du transport et de distribution de l’énergie disponible. En effet, l’énergie n’est pas consommée sur les sites de production ; il faut la transporter vers les points de transformation. De même, une fois transformée, l’énergie doit être distribuée. Or, le réseau de distribution est extrêmement fragile. Les postes de transformation secondaires sont vétustes, les lignes de moyenne et de basse tension datent d’une époque si ancienne que leur vétusté les rend inopérantes. Cette situation explique les délestages récurrents que vivent malheureusement les ménages.

Autre axe de progrès attendu : l’extension du transport de l’énergie dans les zones périphériques des grandes villes. Ces zones ont été loties de manière anarchique et investies par un nombre important de nos compatriotes. Conséquence de cette situation : malgré les efforts consentis par l’État, le taux de couverture de la population en électricité n’est évalué qu’à 35 % en moyenne, dont à peine 50 % en zone urbaine.

Abidjantv.net