Le vice-président exécutif du PPA-CI est candidat à la candidature pour la présidentielle du 25 octobre 2025. Il ne sera ni le « candidat par précaution » du parti ni le candidat de substitution à Laurent Gbagbo. Il rejoint le rang des candidats sans étiquette politique.
Le « dernier sursaut et le dialogue », qu’il espère pour reconsidérer sa position, sont un vœu pieux. La réaction musclée de la direction du parti, à sa note d’analyse assimilée à « une diversion orchestrée de manière grossière », et le limogeage de Kouakou Dapa Félicien et Ahilé Fernand, deux de ses proches dans la direction du PPA-CI, indiquent clairement que les portes de la réconciliation sont closes, au profit de la nuit des longs couteaux.
En effet, entre Laurent Gbagbo et Ahoua Don Mello, des camarades de plus de 40 ans, les relations ont toujours ressemblé à une mer agitée. Et la guerre à fleuret moucheté entre eux est à nouveau ouverte pour jouer les prolongations.
Les deux n’ont toujours pas été sur la même longueur d’onde et l’orage a toujours couvé. Et leur union politique a toujours pris l’allure du mariage de la carpe et du lapin. Les dissonances cognitives et les désaccords stratégiques marquent la ligne de fracture entre d’une part, une ligne sociale-démocrate et une ligne d’extrême-gauche, et d’autre part, un chef africain et une âme rebelle qui ne cherche pas à plaire, mais à assumer ses principes et ses convictions.
Tout est parti du Comité de contrôle et de sa place au FPI. A sa naissance, en 1988, le parti à chercher à limiter l’omnipotence et le pouvoir absolu des dirigeants en son sein. Et il a créé cet organe, doté des pouvoirs exécutoires, qui a été confié à Ahoua Don Mello.
Le secrétaire général du parti, Laurent Gbagbo, sera contrarié dans sa gestion du parti, à son grand déplaisir. Le Comité de contrôle sera combattu et son président, voué aux gémonies dans la guerre entre les « Gbagbocrates » et les « Akancrates » au 2è congrès ordinaire du parti, en septembre 1996.
A l’issue de débats houleux, Don Mello sera vaincu et le FPI définira sa nouvelle identité doctrinale: le Comité de contrôle est émasculé et le poste de président, doté de tous les pouvoirs, est créé en remplacement du « secrétaire général ».
Cette clarification sur la ligne idéologique du FPI est intervenue après la guéguerre sur la formation du Front républicain, en 1995, avec le RDR. Don Mello s’est opposé à cette « alliance contre-nature » avec un parti libéral. Le président du Comité de contrôle et d’autres militaient pour le renforcement des rapports avec les organisations syndicales et de la société civile pour continuer à être l’avocat du peuple.
Le secrétaire général et la direction du parti ont, en revanche, privilégié l’alliance avec ce nouveau parti sorti des entrailles du PDCI-RDA et à la naissance duquel ils ont participé. La campagne disait que « le serpent (l’ex-parti unique) n’est pas encore mort et il ne faut pas laisser tomber le bâton ». Elle clamait aussi que les idéologies étaient mortes au point qu’il a même été question de faire un programme commun de gouvernement avec le RDR.
Toutes ces querelles ont entraîné la création d’abord du courant « La Renaissance », au sortir du congrès de 1996, et ensuite du parti du même nom, en 1998, dirigé par Don Mello. Ce dernier fustigeait la rupture des connexions avec les forces sociales et la criminalisation du débat politique en interne.
Le divorce sera néanmoins de courte durée. En 2000, après le clash politique entre le FPI et le RDR et avant la présidentielle du 22 octobre, Ahoua Don Mello a abandonné La Renaissance pour reprendre sa place au FPI. Il assumera la direction du BNETD et de porte-parole du gouvernement dans le régime Gbagbo.
Le pouvoir est perdu en avril 2011. Et quand éclate, en décembre 2014, la crise entre les Gbagbo ou rien (GOR) et les partisans de Pascal Affi N’Guessan (président du parti depuis juillet 2001), Don Mello ne prend pas partie.
Mais, il se détermine quand, en octobre 2021, Gbagbo quitte le FPI, qu’il a créé, pour porter sur les fonts baptismaux un nouveau parti, le PPA-CI. Il adhère à cette formation qui prône la souveraineté et le panafricanisme, ses chevaux de bataille.
Cependant, il est peu ou prou fraîchement accueilli, ne semblant pas en odeur de sainteté. Ayant continué de rêver à une union de la gauche, Don Mello a gardé de bonnes relations avec ceux qui sont devenus désormais les adversaires jurés du camp Gbagbo: Simone Éhivet Gbagbo, Affi N’Guessan, Mamadou Koulibaly et Charles Blé Goudé.
Aussi, sa nomination, toujours tardive dans les instances du parti, a-t-elle semblé se révéler par acquit de conscience pour contenter de nombreux militants, qui se reconnaissent en lui et en son combat. Et il est surveillé comme le lait sur le feu.
Au demeurant, le parti se garde de se réjouir ou se féliciter de la désignation d’un de ses cadres, Don Mello, à l’Alliance internationale des BRICS, en tant que 1er vice-président chargé des projets stratégiques. Cette promotion ne fait pas que des heureux parmi les dirigeants du parti, dont certains voient la Fédération de Russie en épouvantail et Don Mello en trouble-fête.
C’est ainsi que, en septembre 2024, la direction l’a arrêté net dans ses tournées dans les fédérations qu’il conduisait face à une foule toujours plus nombreuse, au motif tout trouvé de la révision de la liste électorale, pour briser son élan et lui couper l’herbe sous les pieds.
Exacerbée, durant la crise post-électorale (décembre 2010 – avril 2011), par le poids des multinationales occidentales et l’ingérence française, qui « a enlevé Gbagbo pour installer Ouattara », la guerre sourde entre les deux lignes antagonistes a resurgi.
D’un côté, la social-démocratie, majoritaire, que défend la direction exécutive. Elle surfe sur les sujets brûlants au point que les 10 piliers, « traduction des ambitions du PPA-CI pour le peuple ivoirien et les peuples africains, » baignent dans les généralités pour éviter les questions qui fâchent.
De l’autre, la ligne minoritaire du socialisme d’extrême gauche. Incarnée par Don Mello, elle se bat pour la nationalisation des secteurs stratégiques, la sortie du giron occidental pour un monde multipolaire, la souveraineté et le réexamen d’un sujet tabou: le franc CFA.
Et de guerre lasse, Ahoua Don Mello a levé l’ancre. En attendant d’affronter les autres obstacles, il entame la première étape de son parcours électoral: le parrainage citoyen.
Une contribution de F. M. Bally
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