Evènement marquant de ce début d’année 2023, la Coupe d’Afrique des Nations continue de faire réagir après l’apothéose. Au-delà de la ferveur populaire qu’elle a charriée, cette compétition devrait, de l’avis d’un spécialiste en géopolitique du sport, avoir un impact considérable sur plusieurs secteurs de la vie publique.
Jean-Baptiste Guégan, spécialiste en géopolitique du sport, est auteur de “Géopolitique du sport”, ouvrage paru chez Bréal (en 2017). Au lendemain de la CAN 2023 et la victoire des Eléphants (2-1) sur les Super Eagles, cet enseignant consultant, très sollicité par la presse, s’est confié à TV5 Monde, passant au crible tous les contours de cette 34e édition de la biennale du football africain.
De la sécurité à la cohésion sociale en passant par le développement économique, tout y passe. En la matière, le regard de Jean-Baptiste Guégan est plutôt mélioratif. Pour lui, la CAN a contribué à rabibocher un peu plus les Ivoiriens, qui se remettent depuis de la parenthèse de crise. « L’idée de l’ivoirité avait en effet fracturé le pays. Nous sommes maintenant sur une ivoirité qui est plus composite. Nous sommes face à la réunion, sous le même maillot, des Ivoiriens du pays, des Ivoiriens de la diaspora et des Ivoiriens de la diaspora qui sont rentrés au pays. Le tout avec un sélectionneur qui a fait une partie de sa carrière en Europe mais qui est Ivoirien, Emerse Faé.
La Côte d’Ivoire s’affirme dans sa diversité. C’est une ivoirité qui est plus positive », souligne-t-il. Si la CAN 2023 a coûté cher à la Côte d’Ivoire (environ 500 milliards de F CFA), les retombées, d’un point de vue économique, sont indéniables selon Jean-Baptiste Guégan. « Ce milliard d’euros d’investissement, précise-t-il, n’est pas lié uniquement au foot. Il est lié d’abord à des travaux d’infrastructures qui ont permis d’accélérer le développement et le sérieux de l’État ivoirien et donc l’attractivité de la Côte d’Ivoire. Chaque événement sportif, en vérité, est un accélérateur d’aménagement du territoire ».
Et de poursuivre : « Les stades ont été construits par la Chine. Donc il y a de fait un retour sur investissement, lié au renforcement de l’amitié sino-ivoirienne, qui sert les intérêts des deux côtés. En termes d’image, il y a toute la stratégie développée par la CAN depuis qu’ils ont obtenu l’organisation de cette édition (avec le plan “Sublime Côte d’Ivoire” pour faire décoller le tourisme, NDLR). Chaque événement sportif, en vérité, est un accélérateur d’aménagement du territoire. L’idée était de travailler l’image de marque nationale, ce qu’on appelle le branding ivoirien, de manière à développer à la fois son rayonnement et son attractivité ».
« Ouattara est celui qui fait gagner »
Au sortir de cette compétition, c’est l’image d’un pays engagé sur le chemin de l’émergence qui se dégage. Jean-Baptiste Guégan en veut pour preuve, le constat des « journalistes étrangers », reconnaissant qu’«il a été beaucoup plus facile de circuler en voiture en Côte d’Ivoire pendant cette CAN qu’au Cameroun ou en Égypte ». « L’image internationale de la Côte d’Ivoire est donc positive et moderne, avec des stades que l’on trouvait jusque-là en Europe, en Amérique du Nord, ou dans certains pays d’Asie, et une ambiance festive », ajoute l’expert, qui n’a pas occulté l’aspect sécurité, assurant que « cela s’est très bien passé, tout a été contrôlé de bout en bout ».
Alors que la problématique de la stabilité se pose avec acuité dans plusieurs pays africains (de la sous-région notamment), le pays d’Alassane Ouattara, de l’avis de Jean-Baptiste Guéguan, s’inscrit au rang des modèles de sécurité. Il estime que « pour un touriste américain qui voyage en Afrique, la Côte d’Ivoire devient attractive. La sécurité est un élément en plus, à l’heure où, pour un Européen, a fortiori pour un Français, l’Afrique peut apparaître comme un endroit moins sûr, d’où la France est chassée, en proie à la désinformation russe et à une violence croissante avec une multiplication des attentats.
En Côte d’Ivoire, il n’y a pas eu de problème. Il n’y a aucun journaliste français qui a été violenté, agressé, ciblé. C’est un message fort ». Il ne fait nul doute que tout cela met en lumière d’un homme, le président Alassane Ouattara, grand artisan de cette embellie. Par voie de conséquence, le spécialiste français soutient que le chef d’Etat ivoirien, dans la perspective de l’élection présidentielle 2025, « a d’abord l’avantage en termes d’image. Ouattara est celui qui fait gagner. Il est le père de la Nation.
Et derrière cela, il y a tout l’imaginaire du président omnipotent, du leader charismatique, panafricain de surcroît. Il y a aussi cette image du manager du pays en termes d’organisation, puisque la CAN este est réussie ». Et ça, c’est un fait indéniable.
BS