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Droits de l’homme : Pourquoi la décision de la CADH contre Gbagbo et Soro ne devrait pas émouvoir Abidjan

La récente décision de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) concernant Laurent Gbagbo et Guillaume Soro a été accueillie avec une jubilation notable par les médias proches du pouvoir à Abidjan. Ces organes de presse n’ont pas manqué de souligner la portée de cette décision, présentée comme une victoire pour l’État ivoirien. Cependant, au-delà de cette effervescence médiatique, la position officielle de la Côte d’Ivoire vis-à-vis de cette institution judiciaire régionale invite à une analyse plus nuancée.

En effet, le gouvernement ivoirien a clairement indiqué que les décisions de la CADHP concernant Laurent Gbagbo, et par extension d’autres affaires, ne devaient pas susciter d’émoi particulier. La raison invoquée est simple et directe : la Côte d’Ivoire s’est officiellement retirée de la compétence de cette cour en 2020. Ce retrait signifie, selon les autorités d’Abidjan, que les décisions rendues par la CADHP ne sont plus contraignantes pour l’État ivoirien et ne sont plus prises en compte dans sa politique judiciaire.

Ce désengagement de la Côte d’Ivoire de la CADHP a été justifié à l’époque par des allégations de partialité et d’ingérence dans les affaires intérieures du pays. Depuis lors, Abidjan a maintenu une ligne de conduite cohérente, arguant que le retrait annule de facto toute obligation de se conformer aux arrêts de la Cour.

Dès lors, la jubilation affichée par certains médias soulève une question pertinente : si les décisions de la CADHP ne sont plus reconnues par l’État ivoirien, pourquoi leur impact est-il si fortement célébré ? Cette apparente contradiction pourrait s’expliquer par une volonté de marquer un point politique et de renforcer un narratif interne, indépendamment de la portée juridique réelle de ces décisions sur le territoire ivoirien.

Pour les observateurs, cette situation met en lumière la complexité des relations entre les États africains et les institutions régionales de défense des droits de l’homme. Le retrait de la Côte d’Ivoire, l’un des premiers pays à le faire, a créé un précédent et soulève des interrogations sur l’effectivité et l’autorité de la CADHP face à la souveraineté des États.

Si la décision de la Cour africaine peut être perçue comme un succès symbolique pour certains à Abidjan, la réalité juridique et diplomatique du retrait de la Côte d’Ivoire de cette institution suggère une indifférence de principe. Les festivités médiatiques, bien que réelles, semblent davantage relever d’une communication politique interne que d’une reconnaissance de la juridiction de la CADHP par l’État ivoirien.

Georges Badiel