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« Laurent Gbagbo n’a pas renoncé à la présidentielle de 1995 en solidarité à Alassane Ouattara » (Alain LOBOGNON) 

AFRIKEXPRESS-Dans une analyse approfondie des événements politiques de 1995, Alain Lobognon, figure politique ivoirienne, revient sur l’une des périodes les plus marquantes de l’histoire contemporaine de la Côte d’Ivoire.

Selon lui, l’idée selon laquelle Laurent Gbagbo aurait renoncé à se présenter à la présidentielle de 1995 par solidarité envers Alassane Ouattara est une « falsification de l’histoire ».

En octobre 1995, Laurent Gbagbo, leader du Front populaire ivoirien (FPI), ne s’est pas porté candidat à la présidentielle, une décision qui a été perçue comme un geste de soutien à Alassane Ouattara. Cependant, Alain Lobognon, ancien proche de Gbagbo et témoin direct de l’époque, réfute cette version des faits.

Selon lui, cette interprétation est bien loin de la réalité historique. Il rappelle que le Rassemblement des républicains (RDR), le parti d’Alassane Ouattara, était à cette époque l’allié du FPI au sein du Front républicain, un bloc politique qui s’opposait au Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA) et à son président Henri Konan Bédié.

Lobognon précise que, bien avant le scrutin de 1995, les deux partis espéraient tous deux participer à l’élection présidentielle. Le RDR, particulièrement, attendait qu’Alassane Ouattara accepte de représenter le parti. Cependant, la situation a pris une tournure inattendue lorsque Ouattara a finalement renoncé à sa candidature, estimant que le PDCI avait déployé tous les efforts possibles pour l’empêcher de se présenter.

 

C’est dans ce contexte que Laurent Gbagbo a décidé de ne pas se porter candidat contre Henri Konan Bédié. Alain Lobognon va même plus loin en évoquant la déception de Francis Wodié, un autre leader de l’opposition, qui, après l’échec de 1990, où les opposants s’étaient entendus pour ne pas présenter de candidats contre Félix Houphouët-Boigny, présenta sa candidature en 1995.

Loin de soutenir Alassane Ouattara, Gbagbo a choisi, selon Lobognon, de ne pas se présenter pour ne pas apparaître comme un « opposant d’occasion ». Mais plus encore, le refus de Gbagbo de se lancer dans la course en 1995 n’était pas une démarche solidaire, mais plutôt une décision stratégique de ne pas briser le mythe de l’opposant résolu à l’idéologie du PDCI, un mythe qui aurait été mis à mal en cas de défaite contre Bédié.

Alain Lobognon met également en lumière un autre fait qui souligne l’absence de solidarité entre les deux hommes. En 2000, lorsque Alassane Ouattara a annoncé sa candidature, Laurent Gbagbo, alors leader du Front patriotique, a vivement combattu cette candidature. En collaboration avec Laurent Dona Fologo et d’autres figures de l’opposition, Gbagbo a mobilisé un groupe politique nommé « Tout Sauf Ouattara », s’opposant fermement à la candidature d’Alassane Ouattara. Selon Lobognon, il existe des preuves documentées que le dossier de candidature de Ouattara était complet, mais que des opposants à ce projet ont manipulé l’opinion publique et fait pression sur la junte militaire pour bloquer cette candidature.

Alain Lobognon, en tant que témoin direct de ces événements, appelle à une réévaluation des versions simplifiées et erronées de l’histoire politique de la Côte d’Ivoire. Il estime qu’il est impératif de ne pas « tronquer la vérité historique » et de rendre à chaque acteur politique sa véritable part de responsabilité dans les événements qui ont façonné le destin politique du pays.

Pour Alain Lobognon, il est primordial de rétablir la vérité afin de mieux comprendre les enjeux politiques qui ont animé les relations entre les principaux acteurs de la scène politique ivoirienne durant cette période déterminante.

Bintou SANOGO