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Yopougon/Gesco: Les victimes dans le désarroi et le dénuement de la Démolition et  du déguerpissement 

Le sous-quartier Gesco a été, en partie, rasé par les services du District autonome d’Abidjan. Depuis lors, c’est la commotion totale, et tout le monde y va de son latin et de ses arguties. Notre Reporter s’est rendu sur les lieux.

Pour tous ceux qui ont pris l’autoroute du Nord, au niveau de la sortie comme de l’entrée (selon le sens départ ou arrivée) de Gesco, le spectacle amer et désolant de déguerpissement et démolition du quartier laisse sans voix. Depuis le 21 Février 2024, les machines, sur instruction du District d’Abidjan, sont passées à la phase de démolition des maisons de ce sous quartier de Yopougon. Actuellement, les gravats ont pris la place des maisons qui se dressaient fièrement là, il y a seulement quelques jours.

A la grande joie des badauds et des chercheurs de « trésors » qui transportent bétons, fers, tôles, portes, fenêtres et d’autres éléments. Au grand dam des ex-habitants qui ne savent plus à quel saint se vouer. Pour le District d’Abidjan, cette opération de salubrité publique  s’inscrit dans une dynamique prospective pour mettre fin à des drames, notamment en saison pluvieuse. Mais aussi des accidents de la circulation, des électrocutions, des inondations et éboulements avec leurs corolaires dramatiques. Plusieurs habitats sont passés à la trappe à cet effet, y compris le groupe scolaire « Cha Hélène », qui abrite environ 2000 élèves repartis du primaire à la Terminale.

Le désarroi et l’émoi des victimes

Jetant à la rue ces élèves ainsi que leurs enseignants et tout le personnel administratif. Jusqu’à samedi dernier, enseignants et personnel administratif multipliaient les rencontres avec le fondateur de l’établissement, M. Abe Okpo Severin. Ce dernier est très amer. « C’est en 2007 que j’ai créé cette école. Au départ, c’était le primaire, après quoi, j’ai loué un autre bâtiment pour l’enseignement technique et professionnel. En 2013, j’ai bâti un R+2 que j’ai complété, par la suite, par un R+1 et des maisons en bande de 3 classes. Au total, il y a 1880 élèves dont 952 sont des affectés de l’Etat de Côte d’Ivoire. Tout a été détruit, tous les documents introuvables. Nous n’avons plus rien », indique, amer, le fondateur.

Qui dit ne pas comprendre pourquoi le quartier est la cible des bulldozers, d’autant plus que le ministère de la Construction et de l’urbanisme a approuvé ce lotissement, et qu’à la date du 26 Janvier 2017, au service du guichet unique du foncier et de l’habitat, il s’est même acquitté de son droit relatif à l’Arrêté de concession définitive (ACD). « On nous dit que Gesco est un quartier à risque, or la zone est approuvée par l’Etat de Côte d’Ivoire. En plus, nous n’avons pas reçu de mise en demeure. Le Gouverneur parle de 2018, mais je puis vous dire que nous n’avons rien reçu. Le 19 février, ils sont venus avec leurs engins, j’ai approché le chef des opérations qui m’a rassuré que nous ne sommes pas concernés au niveau de l’école. Et que si cela devrait être démoli, ce sera, certainement, en vacances. Mais à 17 h, l’école qui est un centre d’examen était en train d’être rasée, alors que les enfants recevaient des cours », déplore-t-il. Non sans enchainer pour marteler qu’il n’a pas été dédommagé, comme une certaine opinion veut le faire croire.

« Je n’ai pas reçu deux (2) milliards de F cfa comme on le raconte. Je n’ai reçu aucun centime », déclare-t-il. A l’endroit de tout son personnel, il demande de la patience. Il est à espérer la mobilisation de la communauté éducative, avec au premier chef le ministère de l’Education nationale. Pour l’instant, le District autonome persiste et signe que « le Fondateur de l’établissement ‘’Cha Hélène’’ a été mis en demeure, successivement en 2018, 2021 et le 25 janvier 2024, de déménager aussi bien le personnel administratif et technique que les élèves, sur son site principal, compte tenu de la démolition programmée de l’annexe. Malgré la reprise des travaux de déguerpissement, le 19 février 2024, le Fondateur a bénéficié d’un sursis de soixante-douze (72) heures pour évacuer le bâtiment annexe ».

Les populations, douloureusement impactées, se sont constituées en collectif. Ledit collectif est présidé par Adama Coulibaly, Secrétaire général des copropriétaires de la cité Jardin d’Eden. « En 2014, le District a décrété, d’utilité publique, les abords de l’autoroute de 100 à 500 mètres. Jusque-là, nous n’avions plus rien entendu jusqu’au 27 janvier, lors de la première opération de déguerpissement, nous voyons des machines venir démolir les lieux. Deux vagues de démolition qui nous surprennent car nous sommes en étroit contact avec les services du ministère de la Construction pour la régularisation des documents de certaines cités. Nos dossiers sont bien avancés.

Nous n’avons reçu aucune notification de Cissé Bacongo, le Gouverneur du District. Nous sommes anéantis, nous avons tout perdu, le gouverneur a été méchant et agi de manière cavalière. Il y a les constructions de 3e pont, 4e pont et 5 e pont. Les riverains ont été respectés. Mais, nous avons été traités comme des moins que rien. Les familles sont dispersées et elles ont tout perdu », déclare-t-il. Le combat des victimes est, désormais, de se faire dédommager et être pris en compte. C’est le vœu le plus ardent de Rosine F., une victime et veuve qui a tout perdu. « J’ai perdu mon mari depuis trois ans, et il nous a laissé cette maison qui nous permettait de vivre décemment. Je ne sais plus quoi faire, la mort est mieux », soupire-t-elle.

Les efforts de la mairie

L’on se rappelle que lors du premier déguerpissement, la mairie de Yopougon, par le biais du premier magistrat de la commune, en occurrence Adama Bictogo, a donné de la voix, et s’est insurgé sur cette campagne de déguerpissement qu’il a jugée « pas très humaine ». Il avait indiqué réquisitionner la police municipale, la police et la gendarmerie aux fins de protéger les populations et leurs biens. Une rencontre avec le Gouverneur du District autonome d’Abidjan avait laissé croire que les dissensions étaient aplanies, et que le spectre des démolitions était loin derrière nous. Une source de la mairie, qui a préféré requérir l’anonymat, explique ce qui est en voie d’exécution.

« Dès que le maire a appris cette autre opération de déguerpissement, il a nommé une conseillère municipale qui est totalement affectée à la gestion de cette affaire. Il s’agira, pour elle, de recenser les victimes et voir dans quelle mesure les structures compétentes peuvent indemniser les victimes. Naturellement, nous veillerons au grain pour que pareille chose ne se reproduise plus. Nous mettons l’homme au centre de tout. Le maire et tout le conseil municipal n’abandonneront jamais les populations. Notre surprise est grande, car nous avons appris qu’en début Février, autour du Premier ministre Beugré Mambé, le maire Adama Bictogo et le Gouverneur Cissé Bacongo se sont réunis pour mieux agencer les choses. Nullement, nous ne nous attendions à d’autres descentes musclées sur le terrain », dénonce notre source.

La mairie de Yopougon, malgré la modicité de ses moyens, sur les instructions de son maire Adama Bictogo, essaie de soulager autant qu’il peut les victimes qui, il faut le souligner, sont dans l’extrême dénuement.

La communauté nationale solidaire des victimes      

 Depuis le 21 Février 2024, la communauté nationale, à travers les partis politiques, les organisations non gouvernementales (Ong), les organisations de défense des droits de l’homme et bien d’autres structures ne cessent de défiler sur les ruines des sites démolis. Unanimement, les personnalités qui se sont rendues sur les lieux demandent que pareil scenario ne se reproduise plus.

S’il est à déplorer que nombre de partis politiques notamment le PDCI, le FPI et le PPA-CI font, hélas, de la récupération politique sur un sujet si sensible, il est heureux de constater que la majorité des Ivoiriens et des structures compatissent, vraiment. Le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), dans un communiqué, traduit bien l’aspiration populaire et la solidarité qui doit se manifester à l’égard des populations des sites démolis et déguerpis.

« Le CNDH dénonce ces opérations menées au mépris des droits fondamentaux des personnes impactées, qui sont privées du droit à un logement, du droit à la sécurité de leur personne  et de leurs biens, du droit à la santé, du droit à un bien-être et du droit à l’éducation. Ces actions accentuent la situation de précarité et de vulnérabilité de ces populations et sapent tous les efforts consentis ces dernières années par Son Excellence Monsieur le Président de la République et les pouvoirs publics », mentionne une partie du communiqué.

Non sans préconiser l’arrêt immédiat de ces opérations de déguerpissement. Dans les jours et semaines à venir, nul doute que les autorités compétentes et les structures bien indiquées sauront adresser cette question, au bénéfice de toutes les parties. Surtout que selon les prévisions du District autonome d’Abidjan, il y a 176 sites à démolir et déguerpir. A terme, c’est la Côte d’Ivoire qui va se projeter davantage dans le développement qui va transfigurer la Côte d’Ivoire. Et ce sont les générations présentes et futures qui vont tirer le meilleur parti de toutes ces actions, qui sont en prévision de réalisation.

source : Le Mandat