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Lida Kouassi raconte la bataille de Bouaké des forces loyalistes contre rebelles en octobre 2002

Le dimanche 6 octobre, je rejoins les officiers du PC de Yamoussoukro que dirige le lieutenant-colonel Philippe Mangou. A l’issue d’une séance de travail avec eux, en présence du Général Bombet, commandant des forces terrestres, un plan d’opération est mis au point. Avec mon accord, l’offensive est ordonnée le lundi 7 octobre, au petit matin: elle est menée sur trois fronts par les commandos parachutistes du chef de bataillon Détho, les fusiliers marins commandos du commandant Konan et par la cavalerie du capitaine Gnakpa appuyée par les gendarmes de l’escadron blindé du capitaine Abéhi. La résistance des rebelles est de courte durée: au bout de quatre heures de combat et de ratissage dans les quartiers, ils perdent leurs positions et Bouaké passent ainsi sous le contrôle des forces loyalistes.

 

Peu après 16h 30, le capitaine Abéhi me fait savoir qu’il se trouve au centre ville où il offre un rafraîchissement à ses hommes, à la gare routière. Après cela, ils doivent se redéployer dans la ville pour occuper et tenir les principaux points névralgiques, jusqu’à l’arrivée de renforts le lendemain. Lorsque radio Côte d’Ivoire m’interroge vers 17 heures, je ne peux que rendre compte de la prise de Bouaké par les forces loyalistes. Surtout que dans la ferveur de l’évènement, le colonel Julien Kouamé commandant de la garde républicaine de Yamoussoukro, a déjà donné la nouvelle, l’après-midi même, au meeting des jeunes patriotes. Je précise toutefois qu’il reste quelques poches de résistance à nettoyer et qu’il faut attendre encore jusqu’au lendemain pour s’assurer totalement le contrôle de la situation, avec les renforts attendus d’Abidjan. Cette annonce suscite une explosion de joie légitime et des scènes de liesse populaire, aussi bien à Abidjan qu’à Bouaké même et dans les autres localités du pays. Hélas !

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L’ambiance de liesse populaire est de courte durée et pour cause: des tireurs blancs, probablement des mercenaires embusqués dans les bâtiments, ouvrent le feu sur nos hommes blessant quatre commandos et en tuant un. L’unité du capitaine Gnakpa qui doit alors tenir le corridor nord et empêcher que les rebelles ne reviennent par la route de Katiola, décroche de sa position et, sous le prétexte d’avoir essuyé des tirs de roquettes, se replie vers le sud. Lorsque le lieutenant colonel Mangou hausse le ton et demande au capitaine de tenir coûte que coûte sa position: celui-ci coupe la communication-radio! Une heure et demie plus tard, le capitaine Gnakpa et ses hommes sont localisés à, Tiébissou. Ils se sont repliés en abandonnant les autres unités sur leurs positions à Bouaké.

Nous décidons, par conséquent, le Général. Bombet, le lieutenant-colonel Mangou et moi-même de faire replier les autres unités hors de la ville en attendant que nous procédions le lendemain, au remplacement du capitaine défaillant par un autre officier. Hélas! Sur un autre front, la veille à Séguéla, nos forces ont essuyé une attaque rebelle appuyée, semble-t-il, par les chasseurs Dozo et les populations locales. Chassées de leurs positions, les forces loyalistes auraient malencontreusement abandonné un véhicule tactique avec le matériel de transmission à bord, affichant nos fréquences !

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Les rebelles de Séguéla qui ont récupéré ce véhicule de transmissions, ont pu suivre nos communications et informer ceux de Korhogo du retrait de nos troupes à Bouaké. Ainsi, les troupes rebelles sont revenues la nuit même pour reprendre le contrôle de la ville. L’offensive des forces loyalistes à Bouaké s’est donc soldée, malgré notre totale détermination, par un retournement de situation en l’espace d’une nuit. Les chefs de la rébellion, une fois la ville reconquise, se sont livrés à des actes de violence aveugle et d’exécutions sommaires. Ils ont ainsi sévèrement châtié les populations civiles qui s’étaient réjouies de leur courte débâcle.

Il est vrai que pour des rebelles, la guerre n’obéit jamais, en aucune façon, à un code éthique. La guerre est toujours, dans la vision de toute rébellion, une guerre totale, c’est-à-dire, une guerre sale dans laquelle la capacité de violence de l’homme atteint souvent le seuil de l’absolu. A Bouaké, à Man comme à Korhogo, les rebelles de Guillaume Kigbafori Soro ne sont pas sortis de cette logique…

Extraits de : Témoignage sur la crise ivoirienne,

De la lutte pour la démocratie à l’épreuve de la rébellion,

Pp207-236,

Signé Moise Lida Kouassi, ancien ministre d’Etat, ministre de la Défense du Président Gbagbo.